Pour saluer Cercle, le livre de Yannick Haenel
Si parla italiano
Una noche estaba sentado en un banco, presa de violentos dolores. En otro, enfrente del mío, tomaron asiento dos muchachas. Parecían querer decirse cosas íntimas y empezaron a cuchichear. Fuera de mí no había nadie en las inmediaciones, y, por muy alto que hubieran hablado, yo no habría entendido su italiano. Pero el caso es que frente a ese bisbiseo inmotivado en una lengua para mí inaccesible, no pude librarme de la sensación de que me estaban aplicando un vendaje fresco en la zona dolorida.
(Walter Benjamin, Dirección única, Alfaguara, 1987, pp. 84-85)
Musique de sirènes
Katy et Lizzie, ainsi s’appelaient les deux créatures qui planaient autour de moi, et je crois pouvoir dire que j’ai rarement été aussi heureux que cette nuit-là, sous leur sauvegarde. Des choses du quotidien dont elles s’entretenaient, je ne comprenais pas un traître mot. Je n’entendais que des sonorités montantes et descendantes, des modulations naturelles, comme celles qui s’échappent de la gorge des certains oiseaux, une harmonie parfaite de notes tintantes ou flûtées, mi-musique des anges, mi-chant de sirènes.
(W. G. Sebald, Les Anneaux de Saturne, Gallimard, « folio », 2003, pp. 31-32)
Éloge du loin
Dans la source de tes yeux
Vivent les filets des pêcheurs des mers devenues folles
Dans la source de tes yeux la mer tient sa promesse
Plus noir que dans le noir, je suis encore plus nu
Je suis toi, quand moi je suis moi
Dans la source de tes yeux j’erre et je rêve de pillage
Dans la source de tes yeux
Un pendu étrangle la corde
(Paul Celan, Lob der Ferne, Mohn und Gedächtnis, 1952)
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